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L’abus de confiance pour les nuls : Piqure de rappel de la Chambre criminelle (Cass., crim., 11 décembre 2013, n°12-86624)
Droit Pénal
20 février 2014
L’abus de confiance est une infraction technique qui suscite de nombreuses interrogations doctrinales et a fait l’objet de nombreuses interprétations jurisprudentielles. L’arrêt rendu par la Chambre criminelle le 11 décembre 2013, sans remettre en cause la jurisprudence établie, présente l’intérêt d’opérer une piqure de rappel concernant plusieurs éléments clefs.
En l’espèce, une personne avait détourné les placements financiers de plusieurs clients de la société d’assurance pour laquelle elle travaillait tandis qu’elle avait la gestion de ces placements. Les détournements, dont les premiers remontent à 1994, n’ont été révélés qu’à l’occasion d’un contrôle interne effectué par les services de la société d’assurance en 2004.
– Sur le point de départ de la prescription
S’agissant d’un délit, la question de la prescription se posait concernant l’ensemble des faits antérieurs de trois ans à la mise en mouvement de l’action publique. L’abus de confiance est une infraction instantanée qui est consommée lorsque l’auteur acquière la volonté de détourner le bien qui lui a été remis.
A ce titre, le délai de prescription devrait commencer à courir au jour du détournement. Néanmoins, la Cour de cassation, par une création prétorienne, a créé la catégorie des infractions dissimulées à laquelle appartient l’abus de confiance.
Cette solution permet de reporter le point de départ de la prescription de l’action publique « au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique » (Cass., crim., 5 juillet 1945). La détermination de l’époque à laquelle les faits ont pu être constatés relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, sous réserve que les motifs qui la justifient ne contiennent ni insuffisance ni contradiction (Cass., crim., 27 novembre 1958).
En l’espèce, la Chambre criminelle, confirmant l’arrêt d’appel, rappelle que le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de la découverte des détournements et non à la date où des soupçons auraient pu naître, le prévenu excipant d’une négligence de la part des clients régulièrement informés des ventes de titres.
– Sur la caractérisation des éléments constitutifs du délit d’abus de confiance
L’abus de confiance est le fait de détourner au préjudice d’autrui un bien quelconque qui lui a été remis à charge de le rendre, de le représenter ou d’en faire un usage déterminé. Il suppose donc pour être constitué l’existence d’une remise — préalable, volontaire et précaire quelconque — suivie d’un détournement au préjudice d’autrui.
En l’espèce, l’un des clients étant décédé antérieurement aux faits de détournement, le prévenu soutenait que qu’aucun abus de confiance ne pouvait être constitué dès lors que les personnes victimes du détournements, à savoir la société d’assurance et les ayants-droit, n’avaient procédé à aucune remise.
La Cour de cassation approuve la solution de la Cour d’appel et rappelle qu’il « n’importe que les parties lésées au jour du détournement soient les ayants-droit des remettants », le texte d’incrimination ne posant pas la condition d’une identité de personne entre l’auteur de la remise et la victime du détournement.
– Sur l’exercice de l’action civile
Selon l’article 2 du CPP, l’action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. On parle alors de préjudice personnel et direct. En matière d’abus de confiance, la Chambre criminelle reconnaît en l’espèce le statut de victime tant de la société d’assurances qui employait le prévenu et qui lui avait confié la gestion des actifs de ses clients, que des clients eux-mêmes qui faisaient confiance à leur gestionnaire.
En terme de dommage, il est intéressant de noter que la chambre criminelle approuve la Cour d’appel lorsqu’elle énonce que « le retentissement médiatique sur les clients, d’une affaire concernant un abus de confiance commis par l’un des préposés », occasionne « une atteinte à l’image de la société » constitutive d’un « préjudice personnel » qui « découle directement de l’infraction », permettant d’accueillir la demande d’indemnisation du préjudice moral de la société.
Enfin, par un attendu de principe, la Chambre criminelle achève le cour de rattrapage en rappelant que « l’abus de confiance peut préjudicier et ouvrir droit à réparation, non seulement aux propriétaires, mais encore aux détenteurs et possesseurs des biens détournés ».
La Chambre criminelle casse donc l’arrêt de la Cour d’appel considérant que « la société d’assurances a subi un préjudice direct à la suite du détournement de placements financiers dont elle a été privée et qu’elle a dû rembourser à ses clients », tandis que la Cour d’appel cantonnait le préjudice direct à la perte des revenus qu’elle pouvait escompter si ces placements avaient perduré conformément aux vœux de leurs propriétaires.